La plupart des changements sont progressifs. La prise de conscience de leur impact est plus soudaine. Au détour d’une discussion, d’une démonstration, d’un article, force est de réaliser que le monde a changé.

L'arrivée des modèles basés sur l'Open AI GPT 3.5 et GPT 4, une révolution dans le domaine des IA génératives

Les outils basés sur les modèles Open AI GPT 3.5, puis GPT 4 (GPT : "Generative pre-trained transformer" modèle de langue génératif pré-entraîné), jouent ce rôle de révélateur. Les Intelligences Artificielles (IA) avaient pourtant, depuis une dizaine d’années, pris leur place dans notre quotidien. Passé le choc de les voir battre nos champions aux échecs, elles s’étaient glissées dans nos recherches internet, dans nos services clients, dans nos analyses médicales, dans nos processus industriels. Elles brillent pour des cas précis d’utilisation, mais elles restent limitées et maladroites dans leurs échanges avec les humains. Ainsi, pour les services client, les chatbots mènent un quart des conversations, mais la satisfaction des usagers plafonne à 54%, contre 80% pour un contact téléphonique avec un opérateur. Absence de prise en compte du contexte, incapacité à prendre en compte une demande non prévue, voire incapacité à comprendre la demande sont les griefs généralement constatés (Observatoire des services clients 2022). Et c’est sans parler des risques éthiques et réglementaires inhérents à ces solutions, elles nécessitent des données pour apprendre, des données pour fonctionner, donnent des résultats difficilement explicables, en reproduisant biais et préjugés existants.

Les IA génératives vont changer le monde en transformant la manière dont nous travaillons, apprenons et consommons

Surprise merveilleuse ! L’application d’un modèle statistique conçu pour prévoir la suite probable d’une phrase, entraîné sur tout ce que l’humanité a mis en ligne, transformé en nuage de vecteurs à l’aide de quelques supercalculateurs, permet de créer une pseudo intelligence capable de converser quasi naturellement. Notons tout de même le travail de courageux humains pour nettoyer les informations en entrée, superviser l’apprentissage nécessaire, corriger les divagations d’une machine dans un milieu chaotique. Les IA génératives restent bien différentes d’un humain : leur perception du monde est différente, elles n’ont pas de conscience. Leur approche du monde est probabiliste, là où un humain moderne va privilégier une approche déterministe. Elles ne sont qu’un peu de mathématiques appliquées à un grand volume de données structurées. Mais, tout comme l’électricité, qui n’est qu’un déplacement de particules chargées, elles vont changer le monde.

Les IA génératives sont arrivées à un niveau de qualité permettant d’interagir sans effort avec elles, d’une manière qui, pensions nous, était propre à l’humain : le langage. Cette capacité, va lui permettre, comme l’a fait le mobile, de s’intégrer sans effort à notre quotidien, avec des bouleversements encore difficiles à prévoir. D’autant que depuis son lancement fin novembre, chaque semaine apporte son lot d’annonces et de nouvelles percées. Elles posent bien sûr des problèmes inédits : détournement, biais, protection des données intellectuelles. Elles feront l’objet de rapports, livres blancs, moratoires, lois, conventions dans les années à venir. Mais le génie est maintenant sorti de sa bouteille.

Comment le monde va-t-il s’approprier ces technologies ? Le déploiement massif des IA génératives va profondément transformer la manière dont nous travaillons, dont nous apprenons, dont nous consommons. Elles sont des GPT « Global Purpose Technologies » : elles ont le potentiel de transformer l’économie dans son ensemble. Pour quelques centimes la requête, offerts par quiconque souhaitera récupérer vos pensées ou nous proposer un bien ou un service, les IA génératives répondront à toutes nos requêtes et interrogations. Nous discuterons avec des IA sur nos mobiles, pour faire nos recherches internet, pour travailler et pour utiliser nos outils bureautiques, pour acheter en ligne.

Les IA génératives, les secrétaires personnels du quotidien

Premier axe de transformation : les IA vont devenir les secrétaires personnels du quotidien. Je m’en sers déjà pour construire le plan de ce texte, l’écrire et le synthétiser, en vérifier la syntaxe et l’orthographe, lui trouver un titre accrocheur. Une IA pourra m’aider à en tirer une présentation, le résumer, le traduire, en produire un livre, une bande dessinée, un dessin animé, un film. Elle aurait pu écrire cet article à ma place, en synthétisant mes discussions avec mes collègues, croisées avec mes lectures et quelques actualités glanées sur Internet. Demain, elles permettront de revisiter tous les métiers de gestion de la connaissance – conseil, support, service client, fiscalité, droit… Des déclinaisons par domaines d’expertise : médecine, biologie architecture, chimie, banque, assurance… sont déjà en cours d’entrainement. En particulier, les IA génératives vont transformer la manière dont nous écrivons du code, dont nous le documentons, dont nous le testons. Les éditeurs, et en particulier Microsoft, ont de longue date identifié le potentiel : demain, les IA génératives seront intégrées au cœur de nos applications, et en particulier de nos outils bureautiques.

Elles se feront également outils de créativité : compagnon de réflexion, muse, conteur, peintre, demain maitre du jeu ou réalisateur. Les IA génératives restent bien sûr incapables de création personnelle. Mais leur capacité à interagir par le langage, leur connaissance encyclopédique, leur rapidité d’exécution, leur quasi-gratuité, leur faculté à répondre à tout exercice de transposition en font un partenaire de choix pour tout travail de création.

Les implications sont immenses pour l’entreprise. L’activité de plus d’un milliard de travailleurs de la connaissance (évaluation Gartner 2019), codeurs, créatifs, va se transformer. Les médias pourront être personnalisés à la demande : publicité et marketing pourront être spécialement générés pour chaque client. Une part croissance des articles de presse, communication d’entreprise et livres blancs seront générés sans intervention. Les process d’entreprise seront massivement automatisés. Les activités de support proposeront des réponses rapides, ultra personnalisées et à moindre coût. De nouveaux services, de nouveaux canaux de commercialisation vont se construire en mettant à profit massivement les IA. Enfin, elles seront à la fois épée et bouclier en matière de sécurité et de conformité. Elles permettront de déployer en masse fake news, spams, phishing. Elles permettront des contrôles massifs et automatisés et une application plus stricte des politiques d’entreprise.

Les IA génératives vont permettre de revisiter tous les métiers de gestion de la connaissance

La révolution des IA génératives va déboucher sur une course à l’échelle dans sa mise en application. Les entreprises les plus agiles adapteront leurs business models, proposeront des services et une relation transformés par les IA, réduiront leurs coûts tout en améliorant leur efficacité. Elles continueront à faire fructifier leur capital de données, le terreau des IA, aideront leurs employés à tirer au mieux parti de ces nouveaux outils, et développeront une culture de l’innovation. Enfin, elles adapteront leurs organisations : les IA vont nécessiter une gouvernance spécifique, des données à la mise en œuvre des cas d’usage. Elles pourront aussi redévelopper des capacités de résilience souvent mise à mal par une politique d’optimisation à outrance, et redéfinir de nouveaux standards de qualité de service, tant en interne qu’en externe. Ces champions de la transformation sortiront gagnantes de transformations à venir de nos sociétés.

Les enjeux sont donc majeurs pour l’entreprise. A court terme, les utilisations spontanées par les employés, partenaires et prestataires doivent être canalisés. A moyen terme, le potentiel de transformation représenté par les IA génératives doit être évalué pour chaque fonction. Les moyens organisationnels et techniques : cellule innovation, acculturation et conduite du changement, mise à disposition et gouvernance des données, mise en œuvre et pilotage dans la durée des systèmes d’IA, intégration dans les systèmes doivent être mis en place et gouvernés. A long terme, les organisations, process et business models intégreront « by design » l’utilisation des IA génératives.

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