Dans le monde numérique d'aujourd'hui, les données constituent l'épine dorsale stratégique des entreprises, dictant certaines décisions clés et propulsant l'innovation. Chez Avanade France, le leadership en matière de gestion des données est incarné par une équipe spécialisée, dirigée par Pierre Laulié, expert dédié à la gouvernance et au management des données. Il répond aujourd’hui à nos questions.

Pour commencer, parlez-nous de votre poste actuel et de votre équipe.

Je suis responsable de la communauté Data Business Analysis & Data Management chez Avanade France, une position que j'occupe depuis trois ans. 

Je supervise une équipe spécialisée d'une vingtaine de collaborateurs, centrée sur la gouvernance des données et le data management. Nos efforts se situent bien en amont des sphères analytiques traditionnelles, telles que l'analytique avancée, l'intelligence artificielle et la technologie décisionnelle (avec des outils comme Power BI de Microsoft). 

Notre objectif est de s'assurer de la propreté et de la classification précise des données pour établir, entre autres, des référentiels de données fiables qui servent de fondement à nos reportings et analyses. 

Mon équipe se compose à la fois de profils techniques chargés de développer l’outillage chargé de gérer la qualité des données et, également, de profils plus fonctionnels, comme des analystes d'affaires en données, qui possèdent la capacité de dialoguer efficacement sur des enjeux stratégiques et de travailler en partenariat avec notre division “Advisory”. 

Si je devais résumer le plus simplement, nous cherchons à établir un vocabulaire commun clair chez nos clients, essentiel pour éviter la mauvaise qualité des données, et garantir ainsi une gouvernance des données cohérente, bien structurée et fructueuse.

Vous êtes donc pleinement impliqué dans la stratégie de gestion des données de vos clients ?

Absolument, nos projets s'inscrivent au cœur de la stratégie de la data. Les référentiels de données, ou "Master Data", sont à l'épicentre de nos initiatives. Nous nous concentrons sur cinq axes majeurs : 

• La gouvernance opérationnelle, humaine, procédurale, outillée de la donnée
• La gestion outillée :
  • des référentiels, ou “master data management” ;
  • de la qualité de la donnée ;
  • des métadonnées 
• Le “privacy management”, qui opère à la fois dans des environnements de données structurés (de type "data Warehouse"), semi structurés (de type “data lakehouse”) ou non structurées (provenant par exemple de PowerPoint, Outlook, Word, Excel, Sharepoint, Ondrive). Il s’agit là de borner les accès et les usages d’un patrimoine de données sensibles (de type CV, RIB, etc).

Qu’est-ce qu’une bonne stratégie data, d’après vous ?

Une stratégie Data a pour objectif d’identifier une multitude de cas d’usage utilisant des données, de créer des "produits de données" destinés à être implémentés en suivant un planning organisé dans une “roadmap”. Chacune de ces étapes de questionnement, de priorisation et de projection est cruciale pour traduire une vision stratégique orientée par les données ("data driven") en un programme réussi. 

En quoi la gestion des données contribue à l'engagement RSE d’une entreprise ?

C’est indéniable, la gestion des données au sein d'une entreprise revêt une dimension significative en matière de responsabilité sociétale (RSE). Chez Avanade, notre démarche vise la protection de la donnée et la "frugalité numérique", c’est-à-dire l’utilisation de données épurées, non redondantes et cataloguées, favorisant ainsi leur réutilisation. Une donnée fiable maximisée est une donnée constamment réemployée.

Nous nous attachons également à diminuer le "shadow IT", en limitant l'utilisation excessive des données via des outils comme Excel, pour centraliser ces données en un point unique. Cette centralisation facilite une gouvernance des données plus cohérente, avec des rôles et des responsabilités bien définis pour chaque donnée. Les missions RSE sont intrinsèquement liées à la stratégie data que nous développons pour nos clients et en interne chez Avanade, garantissant ainsi que la gestion des données s'aligne avec des valeurs éthiques et responsables.

Quelle typologie de clients accompagnez-vous dans leurs enjeux liés aux données ?

Chez Avanade, nous avons la chance d’avoir une grande diversité de clients de secteurs différents, souvent des entreprises multinationales mais pas uniquement, qui se divisent essentiellement en deux catégories distinctes quant à leur maturité en gestion des données. D'une part, nous avons des entreprises dites matures, qui ont déjà recruté à des postes clés comme les Chief Data Officers et des Data Protection Officers, et qui possèdent une gouvernance des données bien établie. Ces clients ont souvent déjà une bonne compréhension des enjeux et sont équipés pour valoriser leurs données. En faisant appel à Avanade, ils cherchent avant tout à optimiser et à affiner leur gestion des données pour en extraire encore plus de valeur.

D'autre part, il y a des clients en phase de développement, pour qui la notion de gouvernance des données est nouvelle ou peu structurée. Ces entreprises sont souvent confrontées à des défis réglementaires importants et doivent rapidement se conformer à des normes telles que le GDPR ou d'autres règlements spécifiques à leur secteur. Pour ces clients, notre rôle est de créer un cadre solide de gouvernance des données, de clarifier la responsabilité et la propriété des données (le ”data stewardship”) et de développer un vocabulaire commun pour éviter des interprétations erronées.

Dans les deux cas, notre mission est de bâtir ou de renforcer la confiance dans les données, en veillant à leur maîtrise, à leur conformité, à leur clarté et à leur qualité. Nous abordons la gestion des données avec une perspective qui valorise la donnée, car nous savons par expérience que des données bien gérées sont synonymes de décisions d'affaires éclairées et performantes.

Comment réagissez-vous face à un client qui n’a pas suivi ces bonnes pratiques en termes de stratégie de la donnée ?

Nous rencontrons régulièrement des clients qui se sont d’abord intéressés à des outils comme PowerBI avant même de mettre en place une stratégie data réfléchie. Ces clients se retrouvent donc avec des reportings erronés et nous nous efforçons de rectifier le tir avec eux.

En effet, PowerBI représente l'aboutissement de nos chaînes de gestion de donnée, offrant la capacité de générer des rapports et des tableaux de bord pour visualiser et présenter les données. Cependant, la valeur de ces visualisations dépend entièrement de la qualité des données qu’il traite : des données erronées ou mal gérées entraîneront inévitablement des résultats faux.

Nous collaborons étroitement avec Informatica, un éditeur américain spécialisée, dont la mission est de repérer, organiser et affiner le corpus de données afin de garantir leur qualité et leur fiabilité. Contrairement à d'autres solutions, Informatica se concentre sur le traitement des données plutôt que sur leur stockage.

Certain de nos clients rencontrent des problèmes liés à la qualité de leurs données et n'ont pas encore d’infrastructure de gestion de données en place. Ces situations exigent de compléter ou revoir leur stratégie de données, c'est là que notre expertise entre en jeu. 

Nous mettons en place pour nos clients toutes les ressources nécessaires pour élever la qualité de leurs données en travaillant aussi bien sur les axes :

• Parties prenantes : Organisation, rôles et responsabilités ;
• Processus ;
• Technologie : via les outils Microsoft & Informatica qui se complète bien, mais également Talend, Databricks et autres dans le respect de l’écosystème technique de nos clients.

Concrètement, cela revient à instaurer un véritable écosystème de données de qualité, opéré selon une méthodologie pragmatique et agile propre à Avanade qui assure une amélioration continue et une livraison de résultats à valeur ajoutée toutes les deux à trois semaines.

Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre Avanade il y a trois ans ?

J’ai rejoint Avanade en grande partie car on me confiait l’opportunité rare de créer un tout nouveau département et à forger une équipe axée sur l'excellence opérationnelle en matière de gestion des données.

Nous aspirons à poursuivre notre essor et à renforcer notre impact en profitant de l’écosystème d'Accenture. Dans cette grande famille, nous avons établi une synergie stratégique autour de ces thématiques pointues, unissant nos forces tant matérielles qu'humaines (car nos compétences sont rares et les projets nombreux). Cette collaboration transversale nous permet de partager notre expertise sur diverses missions, témoignant de notre engagement commun envers l'innovation et l'excellence.

Quel conseil donneriez-vous à un étudiant en data ou un jeune qui commence sa carrière dans ce domaine ?

Mon conseil à ceux qui débutent dans le monde de la data et de l'analytique serait de s'immerger dans la culture de la donnée. Pour cela, une lecture approfondie des ouvrages incontournables est essentielle, comme "Entrepôts de données, Guide pratique de modélisation dimensionnelle " de Ralph Kimball, " Master Data Management " de l'auteur Régnier-Pécastaing ou encore " Le projet d'urbanisation du S.I. " de Christophe Longépé. Ces textes, un peu ancien mais toujours d’actualité, décrivent des cadres de pensée et des méthodes de modélisation des données qui constituent le cœur du métier de l'analyste de données.

La modélisation des données est une compétence fondamentale qui tend à se perdre. Elle va au-delà de la simple représentation pour atteindre une compréhension profonde des structures de données, comme illustré dans des approches telles que la modélisation de Kimball, avec son modèle en étoile largement répandu, la modélisation relationnelle, essentielle dans le développement d'applications transactionnelles, ou encore la modélisation “Data Vault”, qui propose une architecture complexe et très normalisée orientée par les données elles-mêmes. Sans oublier la modélisation de type “Data mesh”, qui favorise une gouvernance décentralisée.

Comprendre ces principes de base est crucial dans un contexte où la modélisation n'est plus autant enseignée ni valorisée, malgré son importance stratégique. Posséder cette logique technico-fonctionnelle est tout aussi crucial pour un data analyst que de savoir coder pour un développeur, même à une époque où des outils modernes permettent de construire des applications sans écrire une ligne de code.

Pour conclure : à votre avis, quel est l’avenir du “data management” ?

Ma vision de l’avenir tient en deux mots : “data citizenship”. Les outils Microsoft émergeants décentralisent de plus en plus la valorisation des données, donnant ainsi davantage de pouvoir à chaque employé de l’entreprise et le faisant passer de consommateur à producteur de données affinées, structurées, et génératrice de valeur directement au sein des unités les plus business. L’objectif, est de donner les moyens à n’importe qui de pouvoir analyser ses propres données et de prendre des décisions en conséquence, des choix stratégiques “data driven”.

En adoptant de bonnes pratiques et en promouvant une culture de données éclairée, Avanade s'impose comme un modèle d'excellence, révélant ainsi que le futur du “data management” est entre les mains de ceux qui cherchent à valoriser cette ressource inestimable qu'est la donnée.  

Pour en savoir plus sur Pierre Laulié et son actualité, rendez-vous sur son profil LinkedIn, où il publie régulièrement des articles sur la data.

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